Axes de recherche du programme LIMITS

Pour répondre à cette question générale qui, au-delà des questions disciplinaires, convoque des notions transversales de l'histoire culturelle, le programme LIMITS s’est construit autour de trois axes de recherche. 
 

Axe de recherche 1

L'inscription au seuil du Moyen Âge

L'un des défis pour définir ce qu'est une inscription médiévale tient au fait que les différentes initiatives européennes de publication de sources épigraphiques prennent en compte des chronologies variables. Au-delà des questions éditoriales, discutables mais néanmoins valables, la publication repose sur l'identification (rarement expliquée par les éditeurs) de changements quantitatifs et qualitatifs qui identifient un document épigraphique comme médiéval ou non. Le premier axe du programme est donc consacré aux questions de datation, à la gestion d'une épigraphie des frontières et à son impact sur la représentativité de la documentation épigraphique entre l'Antiquité et l'âge moderne. En second lieu, il s’agit d'expliquer les choix éditoriaux, non pas dans la perspective d'une exégèse des conditions d'édition des inscriptions, mais dans la perspective d'une heuristique des phénomènes épigraphiques du Moyen Âge, puisque depuis cinquante ans, ces décisions éditoriales dessinent le paysage épigraphique médiéval en laissant de côté de larges pans de documentation.

Comment une inscription de l’an 700 est-elle « plus » médiévale qu’une autre datant de l’an 600 ? Est-ce une inscription de 1450 est si différente d'un texte de 1550 ?

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Axe de recherche 2

Les limites et la perméabilité des matériaux

La deuxième ligne de recherche propose une définition épigraphique au-delà des supports et des fonctions, identifiant les pratiques épigraphiques comme une constance, une permanence du geste et l'intention d'écrire. Ce zoom intègre des processus culturels complexes dans lesquels la valeur intrinsèque de l'écriture comme trace, les propriétés empiriques et symboliques des matériaux et le statut des lieux s'entrelacent pour projeter et prolonger le message épigraphique au cœur d'un espace. Pour mettre en valeur cette richesse, le programme LIMITS analyse l'écriture sur des objets situés sur les seuils de la discipline épigraphique : la perméabilité des dispositifs et des orthographes d'un support ou d'un objet à un autre montre que le sens et peut-être l'efficacité d'une écriture distinctive est une caractéristique culturelle importante des sociétés médiévales dans leurs relations avec les signes ; c'est donc un trait culturel qui ignore, croise, relativise, voire refuse, les frontières entre les différentes disciplines universitaires.

Cette approche implique toutes les composantes de l'inscription : la sélection, la forme, la préparation du matériau ; les liens entre l'objet épigraphique et son environnement, construit ou non ; le format des dispositifs visuels et textuels ; l'orthographe utilisée pour afficher les messages ; les formes linguistiques. Ce deuxième axe de recherche cherche donc à mettre en lumière un système graphique universel, ou du moins quelques constantes dans la perspective d'une approche intégrale de l'écriture médiévale.

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Axe de recherche 3

Limites alphabétiques et visuelles de l'écriture

La troisième ligne de recherche analyse les propriétés plastiques et visuelles de l'écriture médiévale au-delà des lignes de démarcation entre signes alphabétiques et autres types de signes. Si la lettre est définie dans sa relation avec le son et le sens du mot, et plus largement avec la voix qui la prononce, elle est aussi caractérisée par une forme, une disposition de lignes droites et de courbes. Cependant, l'utilisation épigraphique des lettres tend, selon les moyens et les matériaux, à accroître la dimension visuelle et iconique de l'écriture, parfois au détriment de la dimension lexicale. Cette tendance brouille intentionnellement la distinction entre texte et image et fait de l'inscription un signal visuel. La dimension visuelle de l'écriture est renforcée par l'importante matérialité des inscriptions. Écrire en pierre ou en bois, c'est mettre en forme la matière première, c'est mettre en ordre un élément naturel ou artisanal. La nature du support et les techniques utilisées participent de l'état et de la valeur de l'objet écrit. Dans cet axe de recherche, les matériaux utilisés dans les inscriptions sont étudiés pour ce qu'ils produisent en termes de présence visuelle et de texte épigraphique. L'attention portée aux qualités visuelles et matérielles de l'écriture en dehors du monde manuscrit permet d'étudier les phénomènes d'« iconisation » des signes alphabétiques et de transformation du texte en image.

Il faut donc réfléchir aux intentions qui conduisent à la mise en œuvre des lettres dans le matériau sans volonté de composer un texte, à l'utilisation aléatoire de signes pour imiter un texte qui n'est pas vraiment intelligible, ou aux signes qui, malgré l'illisibilité du résultat, reflètent le désir évident de composer un texte par imitation ou représentation. Enfin, il s’agit d'analyser l'effet de la présence de signes alphabétiques sur l'objet et le matériel, et sur les façons de les voir dans le contexte particulier des cultures visuelles de la fin de l'Antiquité et du Moyen Age. La prise en compte de la visualisation de l'écriture, au-delà de sa capacité à transmettre un texte, permet de prendre en compte ces questions indépendamment de la connaissance des langues par le "public" et d'analyser l'inscription telle qu'elle apparaît pour la première fois dans le paysage graphique entre l'antiquité tardive et le Moyen Âge.

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