Texte programmatique

L’exposition Sendas epigráficas a été pensée comme une rencontre au carré.

Une première rencontre d’abord entre spécialistes de la culture écrite des sociétés tardo-antiques et médiévales autour d’un objet polyédrique, l’inscription : une matière mise en lettre. Au cours des deux dernières années, les acteurs du programme de recherche LIMITS (Casa de Velázquez, Université Complutense) ont interrogé librement les frontières chronologiques, matérielles et graphiques de cet objet. Ils posaient une question, simple dans sa formulation, infinie dans les moyens d’y répondre : qu’est-ce qui fait de l’inscription un objet graphique si particulier avant la naissance de l’écriture mécanique ? L’envie d’aller au-delà des LIMIT(e)S, en animant littéralement le programme scientifique éponyme, a conduit à formuler le pari suivant : soumettre l’inscription, son cadre disciplinaire, les problématiques scientifiques qu’elle posait, au regard et à la création artistique.

S’engager dans cette voie devait mener à une seconde rencontre avec six artistes en résidence à la Casa de Velázquez. Elle prolonge les perspectives du programme LIMITS dans une mise en œuvres de l’inscription et des réflexions scientifiques dont elle a été l’objet. La dynamique créatrice née de cet échange engage dans, un même mouvement, chacun des acteurs : artistes et scientifiques. Le partage d’une trajectoire réflexive, où l’œuvre donnerait à voir le processus créatif, où la discipline en s’offrant à la création interrogerait ses propres limites, mène à une nouvelle forme d’écriture, entre art et science. C’est dans la construction de ce discours indiscipliné que les questions posées à l’objet se renouvellent, prenant alors des directions inattendues.

Le parcours ainsi généré au cours de cette recherche scientifique et artistique devrait faire apparaitre trois lieux, trois environnements intellectuels au sein desquels photographies et créations réalisent les trois grandes thématiques en jeu dans l’objet épigraphique : le temps, la matière et le signe. À chaque fois, l’inscription est bousculée par son intégration au projet artistique. Les œuvres mettent l’inscription au défi des matériaux et des techniques : de la création sonore à la gravure, de l’impression à la sculpture. Les éléments propres à l’inscription – le support, le geste, la lettre – sont déconstruits, diffractés et installés dans un parcours scénographique plaçant le visiteur dans une expérience progressive de l’écriture monumentale entre lecture, vocalisation, reproduction et contemplation. Les artistes interrogent les notions essentielles de permanence, de fugacité, d’oralité, d’encodage, de perception, de mémoire, de mouvement… Dans la diversité de leurs approches, les artistes produisent alors une nouvelle définition de l’objet épigraphique qui, s’il reste parfois insaisissable dans ces implications historiques, montre l’infini des possibilités créatives quand celles-ci conjoignent le signe et le matériau dans une mise en espace.

L’exposition est un objet hybride qui dit autant d’un programme de recherche, d’un processus de création artistique que de la création elle-même. Dans cette intention, elle diluerait les limites entre art et discipline, entre science et poétique, ouvrant de nouvelles pistes pour penser les cultures écrites et reconnaître leur richesse.